RÉUSSIR AUTREMENT – Quel est le point commun entre Steve Jobs, Oprah Winfrey, Larry Brilliant ou encore Rupert Murdoch? Ils sont des PDG, oui, mais encore? Ils ont en commun la méditation, et elle les a aidés dans leur succès.
Non, la méditation ne concerne pas qu’une partie marginale de la population. Elle peut aussi intéresser ceux qui, a priori, ont un rythme de vie à l’opposé de cette pratique de relaxation: les chefs d’entreprise, les entrepreneurs. Ces décideurs qui méditent et s’engagent. Un pont entre sagesse et business, c’est le titre et l’objet du livre de Sébastien Henry, publié cette année aux éditions Dunod. Le HuffPost l’a rencontré.
Ce quadragénaire est lui-même adepte de la méditation depuis 2000. « C’est devenu aussi important que de prendre une douche », lâche-t-il en souriant. Après ses études à l’ESSEC, il décide de se lancer dans la création d’une entreprise en Asie, qui va connaître un franc succès. « On travaillait avec la moitié du CAC 40, on avait de prestigieux clients, des filiales à Tokyo, Shangaï, Hong-Kong, Singapour… Bref, je gagnais extrêmement bien ma vie. »
Mais après huit ans, il décide de vendre son entreprise, ressent le besoin de changer de rythme de vie. Le matin, lorsqu’il prenait son temps de méditation souvent dans des monastères, il réalise que quelque chose ne tourne plus rond. Des interrogations plus existentielles se sont imposées à lui: « Quel est mon rôle dans la vie? », « Quel est le rôle que je veux jouer dans la société? » Ce questionnement a constitué pour lui un retour vers un engagement sociétal plus fort, comme au début de sa carrière dans l’insertion par l’économique. « C’est dans un temps de silence intérieur que ces questions peuvent émerger », souligne-t-il.
Perte de sens
C’est donc assez naturellement que Sébastien Henry a voulu s’intéresser aux raisons qui ont mené certains « décideurs » à se lancer dans la méditation, et ce qu’elle a pu leur apporter dans leurs vies personnelle et professionnelle. « Le monde du business s’est, avec l’avènement du capitalisme contemporain, coupé du monde de la sagesse qui existe depuis des milliers d’années », explique-t-il.
Les conséquences de ce divorce sont, selon lui, environnementales: « le business tel qu’on le connaît entraîne la destruction de la planète ». Ajouté à cela « la priorité absolue donnée au profit », ainsi qu’un ensemble de facteurs comme le temps passé devant les écrans, une pression telle qu’elle peut mener au burn-out, le résultat est que « les gens en ont marre de ce manque de sens. Ils n’arrivent plus à sortir de cet isolement, dire ce qu’ils ont sur le cœur ».
Sébastien Henry n’est pas le seul à avoir constaté cette perte de sens du travail. « L »une des principales sources du mal-être contemporain au travail tient sans doute à un excès d’abstraction », constatait Matthew Crawford dans un dialogue avec Pascal Chabot publié dans le numéro d’octobre 2013 de Philosophie Magazine. Ce docteur en philosophie, nous expliquions-vous dans un précédent article sur Le HuffPost, a passé six mois dans un think-tank politique, avant de démissionner pour ouvrir un atelier de réparation de motos. Ce changement radical, il l’expliquait en pesant le poids des mots: « j’ai touché une nouvelle forme d’aliénation, exécuter des tâches qui n’avaient, littéralement, aucun sens. »
Inquiet de l’évolution du travail et de la place croissante des écrans dans celui-ci, Pierre Rabhi, écrivain, penseur et agriculteur, renchérissait: « Nous passons de plus en plus de temps derrière les écrans. Bien sûr, ceci s’inscrit dans l’évolution du monde informel, invisible. Mais ainsi, nous nous éloignons d’une réalité tangible, nous oublions que notre esprit est le composant d’un tout complexe ».
Moins de stress, plus de créativité
Pour son livre, Sébastien Henry a interrogé 60 décideurs qui méditent. Parmi eux, Tristan Lecomte, fondateur de Pur Project et entrepreneur social de l’année 2013. La plupart ont témoigné anonymement.
Ces chefs et autres preneurs de décisions sont particulièrement soumis à la pression et susceptibles de perdre de vue le sens de leur travail. « La plupart d’entre eux se sont mis à la méditation suite un surplus de travail, le burn-out, ou un problème personnel (décès, divorce) ».
Petit à petit, la pratique leur a énormément apporté, comme le souligne Sébastien Henry: « ils ressentent moins de stress, ont une plus grande capacité à rester concentré, ils sont plus bienveillants, plus créatifs, se retrouvent moins au cœur de conflits. Le climat de travail est beaucoup plus sain ».
Un constat partagé par Andrew Hafenbrack, doctorant ayant codirigé une étude sur le sujet et interrogé l’an dernier sur la méditation de pleine conscience par Le HuffPost. « J’ai remarqué que je prenais de meilleures décisions lorsque j’étais calme […] « D’après ce que l’on sait aujourd’hui, je pense qu’on peut affirmer que la méditation en pleine conscience peut aider les dirigeants qui se trouvent dans des situations où ils doivent faire abstraction des décisions et des investissements faits avant, pour prendre la décision la plus rationnelle qui soit », expliquait-il au HuffPost.
Au delà de ces effets, la méditation a, sur une plus longue période, une autre conséquence positive: « elle favorise l’émergence d’une volonté altruiste de s’engager davantage face aux problèmes sociaux et environnementaux ».
Sans espérer que du jour au lendemain, tous les chefs d’entreprise vont se mettre à la méditation, Sébastien Henry veut croire que si certains d’entre eux s’y mettent, « ils vont entraîner les autres ».
Décalage entre ce qu’on veut et ce qu’on fait
Mais comment faire évoluer les mentalités sur la méditation, qui semble a priori à l’extrême opposé de la pratique du management? « Cela ne va pas se faire du jour au lendemain », concède Sébastien Henry. « Mais il suffit d’une personne en haut de l’échelle qui ait envie de changer, pour que d’autres suivent. On pourrait également imaginer des formations dans les écoles de commerce, des programmes intégrés dans le développement du leadership ».
Comment se lancer dans la méditation? « Faites une expérience, et si cela ne vous apporte rien, tant pis. Je ne suis pas un ayatollah, je ne veux convaincre personne. Il existe de nombreuses manières de se raccrocher à notre héritage de sagesse, dont la méditation fait simplement partie ».
Plus concrètement, nous explique-t-il, c’est en se posant des questions qu’on réalise le décalage entre ce qu’on fait et ce qu’on veut. « Si vous demandez à quelqu’un ce qui est le plus important pour lui, qu’il répond sa famille, et qu’il réalise qu’il ne lui consacre qu’une demi-heure par semaine, vous avez compris ».
Source: Le HuffPost | Par Marine Le Breton
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